Ma Voix ne suffira peut-être pas #MaVoix

Pour commencer...

Quand on écrit ce qu'on a sur le cœur on n'est jamais sûr de plaire. Sans doute ai-je cent fois tort et dans un an quelques personnes riront de ce texte. Toutefois je préfère le coucher par écrit pour en débattre plutôt que de remâcher ce que je pense tout seul derrière mon écran. Ceci étant dit, allons-y pour le contenu.

Mon vote, mes idées, ma voix

Depuis quelques semaines l'initiative Ma Voix (ou #MaVoix) fait beaucoup parler d'elle (du moins dans le milieu ultra militant dont je fais partie). Montée entre autres par Quitterie de Villepin (ex espoir du Modem en 2007, qu'elle a quitté justement à cause de son déficit de démocratie interne) cette initiative a pour but de faire entrer des « citoyens » à l'Assemblée nationale. La législative partielle des 22 et 29 mai prochains, à Strasbourg, donne l'occasion à Ma Voix de roder ses méthodes et son discours. (Pour EELV, c'est Simon Baumert et Anny Zorn qui s'y collent.)

Au rang des innovations et du travail militant de Ma Voix, citons le choix des candidats (titulaire et suppléant) par tirage au sort parmi des volontaires, pour ne pas ouvrir le champ à des compétitions internes. Pourquoi pas, Nouvelle Donne l'a aussi expérimenté pour les élections européennes de 2014 (mais ça n'a pas suffi à apaiser le parti, comme quoi...).

Encore mieux, Ma Voix a initié un vrai travail d'éducation populaire auprès des volontaires pour bien faire comprendre le rôle et les missions d'un député, avec visite du Palais Bourbon à la clef. On ne peut qu'approuver tant il est en effet nécessaire qu'un maximum de personnes sache ce qu'est le travail législatif.

Dernier coup de communication : une affiche avec un miroir pour porter le message qu'on vote pour soi-même et qu'on n'est jamais si bien représenté que par soi.

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Désolé mais là je ne marche pas.

Je sais bien qu'il ne s'agit là que d'un symbole mais c'est justement parce que les symboles sont importants que je n'approuve pas. J'entends bien le message de réappropriation de la démocratie et de ses rouages, par contre je n'arrive pas à être d'accord avec le fond : non, on n'est pas toujours le plus compétent pour se représenter soi-même. Non, un collectif n’est pas seulement une addition de je je je.

On ne peut pas être bon sur tous les sujets, dans tous les domaines, ni tout savoir. Vous pensez être le meilleur pour défendre à la fois vos intérêts salariaux, le maintien d'une sécurité sociale digne, décrocher un prêt bancaire, enseigner à vos enfants et voter une loi budgétaire ? À cela Ma Voix répondra qu'on élit non pas un député mais toute une équipe, ce qui me permet d'aller au-delà du symbole de l'affiche.

Car au-delà de l’affiche, c'est le concept même de la tenue du mandat selon Ma Voix avec lequel je ne suis pas d'accord. En effet, Ma Voix souhaite que chaque vote du député (ou des députés, soyons fous pour 2017) soit soumis à un vote, à un processus de consensus ou au moins à une discussion auprès de ses électeurs. C’est écrit dans la charte : « les députés relaieront les décisions de leurs électeurs pendant 5 ans »

Tout d'abord, quand on est élu on n'est pas le député que de ses électeurs. On est le représentant de toute sa circonscription, voire selon la loi un élu de la Nation toute entière car un député n’est pas censé défendre uniquement son territoire d'élection (c’est paradoxal en effet, et un vote sur liste à la proportionnelle serait plus logique, mais là n'est pas la question). Au nom de quoi faudrait-il demander leur avis uniquement à ces mêmes électeurs au long de tout un mandat sur tous les sujets ? Ce sont tous les habitants et citoyens qui sont concernés, pas seulement celles et ceux qui ont glissé le bon bulletin dans l’urne.

Ensuite, un élu n'est pas un pot vide qu'on remplit au fur et à mesure. Il a une histoire, des convictions. Il est aussi assez naïf de penser que tous les députés prennent leurs décisions dans leur coin, ou en écoutant que les méchants lobbies économiques. Cela dit, j’entends bien qu’il est nécessaire d’ouvrir la prise de décisions, d’organiser le plus de concertations possibles. Mais on touche là à une autre limite de l’exercice, qui est le même que pour les organisations où toutes les décisions se prennent en assemblées générales : le temps.

Oui, le temps. Celui qui passe et celui qu’on donne, qu’on investit. Des sujets complexes nécessitent expertise, formation, etc. Les députés se partagent déjà le travail au sein des groupes, il me parait illusoire de penser qu’un député Ma Voix (ou même trois) puisse tout faire, tout voir. Pour commencer, il ne pourra pas siéger dans plusieurs commissions à la fois ni intervenir autant qu’il le souhaiterait dans l’hémicycle.

Toujours au sujet du temps, mais du côté des électeurs cette fois, je trouve que cette idée de mandat impératif pose d’autres questions d’ordre démocratique. Car qui aura le temps de donner son avis ? Qui pourra se permettre de se mobiliser pour influer sur le vote de « son » député ? Qui pourra passer du temps à se former, que ce soit sur un mooc ou dans une salle ? Il existe un risque non négligeable que ne s'engage pour chaque sujet que les plus passionnés dudit sujet, et rien ne garantit que ces personnes seront représentatives de l'intérêt général.

Enfin, quand même, je sais bien qu’on ne vote pas que pour des idées et que la personnalité est importante, mais on se prononce tout de même bien sur un programme. Le collectif Ma Voix ne propose aucun programme si ce n’est réagir collectivement à ce qui est proposé par la majorité parlementaire (ou le gouvernement). C’est à mon avis un peu limité et voué à donner peu de résultats.

Problème de représentativité et nécessaire cadre idéologique

Nous avons en effet un sérieux problème de représentativité au parlement français, dont une bonne partie peut s’expliquer par le système électoral, c’est-à-dire l’absence de proportionnelle. Cette aberration qui conduit un parti à faire plus de 20 % des voix mais à n’avoir que deux députés (le FN) et qui bloque l’évolution politique française.

Il est nécessaire d'ouvrir le débat, de profiter des nouveaux outils numériques pour élargir la discussion, comme ce qui a été fait avec le projet de loi pour la République numérique, de réfléchir à des formes d'organisations moins verticales et pyramidales au profit de l'horizontalité, de privilégier la coopération à la compétition.

Mais je ne pense pas que le problème puisse se résoudre avec ce genre de solution, en particulier parce qu’il n’y a pas de programme puisqu’on fait confiance à une addition de voix pour dicter une ligne politique. Or la politique, que ce soit pour diriger un pays ou une association, nécessite de la discussion mais aussi des compromis, du débat, de la prise de décision. Avec l’impossibilité de plaire à tout le monde. Que se passerait-il par exemple si un député Ma Voix recevait telles consignes de ses électeurs mais que l’autre recevait des consignes inverses ?

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